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qu’on ne saura jamais rien, qu’on ne pénètre, qu’on ne pénétrera jamais rien de tout ce qui nous entoure. Et ne rien savoir, ne rien pénétrer, cette nuit, cette affreuse et cruelle nuit qui submerge nos sens et notre esprit, n’est-ce pas là tout le mystère ? Il n’y a pas de mystère dans la vie, pas plus de mystère dans l’œil d’un chien que dans le marc de café cher à ma cuisinière et dans les reflets irisés où les perles se caressent. Il n’y a que l’ignorance de la vie, de la vie que, faute de la comprendre, les poètes ont peuplée de songes puérils et de mensonges à dormir debout.

Je désirais que Dingo prît contact avec la population de Ponteilles-en-Barcis, s’en fît connaître, sinon aimer, et, dans ce but, j’obligeai Marie, quand elle allait aux provisions, de l’emmener partout avec elle.

Du premier jour, on l’avait assez mal accueilli, d’abord parce qu’il m’appartenait, ensuite à cause des incertitudes un peu effrayantes de son état civil.

— Ce chien est drôle !… Il est même… drôle… Il ne me revient pas…, avait dit le maire, M. Théophile Lagniaud, à qui d’ailleurs rien ne revenait jamais, sauf ses repas, ce qui rendait son commerce pénible, parfois humide, toujours mal odorant.