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je n’en ai jamais sauvé… Au bout du onzième jour, ils meurent.

Je pensais au Dingo bondissant et affectueux qui se jetait sur moi, comme pour m’étreindre, au Dingo souple et cruel qui plantait ses crocs dans la chair vivante des moutons et des poules. Maintenant, il restait couché sur le tapis, et sa tête, comme si son poids l’eût entraînée, posait obliquement sur le plancher. Sa maigreur était effrayante. Son corps était réduit à un pauvre squelette. Les beaux muscles, jadis élastiques et fermes, se rétractaient aux pointes de ses os saillants. Et les poils de sa queue fauve, qui s’élargissait en panache, étaient flétris et rapprochés, comme les fibres d’une perruque. La tête paraissait énorme au bout du corps diminué. Et la nuit, Dingo, couché sur son matelas, prenait, dans la mauvaise lueur de la veilleuse, l’aspect fantastique d’une bête en carton, d’un jouet d’enfant pauvre, jeté aux ordures et qu’un chiffonnier, à l’aube, d’un coup de crochet, enfouit dans sa hotte.

Il se laissait soigner : il s’abandonnait complètement aux soins qu’on lui donnait. Il livrait ses pattes, sa tête, chaque place de son corps, sans hésitation et sans réserve. Si on le lavait, si on lui donnait un médicament, ses yeux dociles et tendus, par un peu d’inquiétude, regardaient