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Et la voix de Piscot tremblait un peu, d’une émotion presque attendrie. Il avait eu peur pour Dingo. Il continua :

— Sacré chien… Il pouvait bien être une pièce de onze heures. On venait d’travailler aux meules. On était bien dix à douze, sans m’compter. On s’était couché autour des meules… Y en avait qui dormaient… Y en avait qui causaient… Y en avait qui… enfin… Alors quelqu’un dit : « Ah ! v’là le chien… » On le voyait à peine. Il était loin… il n’avançait pas vite… y’ s’ promenait… quoi. Cependant, on l’ voyait qui tournait la tête à droite et à gauche… — Sacristi, dit l’un… Nom de Dieu… dit l’autre… Alors les v’là qui, à quatre pattes, font le tour de la meule pour se cacher, pour que Dingo puisse pas les voir… Le vent venait contre eux… Le chien pouvait pas les flairer… Nom de Dieu… dit l’un. Moi, j’étais avec eux… Je pouvais rien dire… Alors, quand le chien fut à dix mètres, je me levai… Mais v’là qu’y me reconnaît. J’aurais voulu pouvoir y dire : Va-t’en… va-t’en… Mais, qu’est-ce que vous voulez ?… Il vient vers moi. Les autres se lèvent et font un cercle. Et v’là le chien qui est dedans… Alors ils se mettent tous à gueuler. Ils l’insultent : « Cochon… On va te pendre… Salaud… » et tout… quoi. Le chien était pas épaté. Il était calme. Il les regardait tous l’un