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patience et les bons coups devenaient rares ; ils ne valaient pas la peine qu’il s’exposât pour un résultat si mince — un jeune lapin, ou un vieux rat — à des dangers qui eussent fini par lui être mortels à la longue. Il le comprit tout de suite et sortit moins souvent, ne sortit plus du tout de l’enclos. Alors, pour se distraire et qui sait ?… pour déshabituer les paysans de leur surveillance, il se mit à entreprendre l’éducation de Miche.

Ce fut un temps de répit qui me permit de régler quelques-unes de ces irritantes, de ces désastreuses affaires qu’il m’avait mises sur les bras. Et je pus croire que nos misères étaient passées.

Miche ayant été délaissée de bonne heure par sa mère, j’ai dit que Dingo s’était en quelque sorte chargé d’elle. Jusqu’ici il s’était borné à la défendre surtout contre des dangers imaginaires et à jouer avec elle. Cela ne lui parut pas suffisant. Il jugea que le moment était enfin venu de lui apprendre la vie, sérieusement. Elle y avait, d’ailleurs, de remarquables dispositions. Mais, de même que j’avais voulu traiter Dingo comme un homme, Dingo voulait traiter la petite chatte comme une chienne. De là un malentendu qui s’affirma dès le premier jour de leçon et fit que bientôt ils allèrent chacun de son côté à leurs plaisirs, à leurs affaires, à leurs passions, à leurs