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que je ne démêlais pas bien encore les idées qu’il devait me suggérer par la suite… Vous pensez si cet intermède cynégétique divertit les passagers. Ce qui les divertit plus encore, je dus payer une indemnité de quatre cent cinquante-cinq livres à l’administration du bord ; car, j’ai oublié de vous le dire, outre les poules et les moutons, ma chienne avait étranglé quantités d’oiseaux bizarres, précieux, enfermés dans de solides cages d’osier et destinés au Zoological-Garden de Londres, entre autres un Ichtyète Jokowuru, oiseau de proie rarissime, qui pointe une espèce de longue chevelure en éventail, un bec charnu de juif et une énorme barbe, broussailleuse et sale, qui font ressembler cet étrange animal à saint Jean-Baptiste. Mon premier mouvement avait été, je l’avoue, de la colère et de « l’embêtement ». Je me reprochai fort mon imprudence. Mais quoi ? Cette chienne était si douce, si caressante, si gentille avec tout le monde ! Elle faisait la joie du bord, en particulier des femmes, à qui toute la journée je devais raconter l’histoire, les mœurs des dingos, les péripéties scientifiques par où ils avaient passé. Cela me rendait populaire. Ma foi, je la laissai libre d’aller et de venir sur le pont. Comment prévoir une telle aventure ? J’aurais dû lui mettre une muselière, objecta le capitaine. Fort bien. Eût-elle accepté une pareille entrave à