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mère. Comprenant maintenant le drame horrible qui se jouait au bout de l’allée, elle criait, pleurait, suppliait, comme si Dingo eût pu l’entendre.

— Non, Dingo… Non, mon petit Dingo… sois gentil… Non… non… Je t’en prie…

Quand j’arrivai enfin, haletant, suffoqué par la course, voici ce que je vis : Dingo avait renversé le mouton. Entièrement couché sur lui, il le maintenait serré aux flancs, au ventre, entre ses cuisses. Et sa mâchoire lui fouillait la gorge, avec rage. Il y avait des gouttes de sang sur l’herbe. Des gouttes de sang avaient jailli sur le tronc des arbres… Déjà le mouton ne se débattait plus… et la queue de Dingo battait, en signe d’une joie féroce, d’une sauvage victoire… À coups de pieds, à coups de canne, à coups de pierre, j’eus beaucoup de peine à lui faire lâcher prise. Je me penchai sur le mouton. Le sang coulait abondamment par la gorge déchirée et les artères ouvertes. J’essayai de le mettre debout, de le ranimer… Il était mort, bien mort.

Legrel à son tour et Mme Legrel examinèrent la blessure, soulevèrent la tête qui retomba sur l’herbe, inerte et molle.

— Oui ! fit Legrel… il est bien mort !

Et madame Legrel répéta en écho.

— Il est bien mort…

Nous étions si consternés par la rapidité, par