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— Qu’on ferme la fenêtre… ordonna-t-il… les portes… Qu’on bouche la cheminée… vite !… vite !

Nous étions tous debout, Dingo très excité, la cuisinière embarrassée, avec son poulet au bout de ses bras et, le menton pareillement levé, nous tendions vers le même point du plafond des regards anxieux, effarés. L’araignée courait toujours sur la corniche. Tantôt elle disparaissait au creux de la moulure, tantôt elle surgissait de l’ombre, plus loin, dans un rond de lumière. Crispés, très pâles, les paupières battantes, le cœur sautant dans la poitrine, nous la suivions, comme sur le môle d’un port de pêche la foule angoissée, suit les mouvements d’une petite barque qui lutte contre la tempête et qui tout à coup va sombrer dans les brisants. Legrel poussa un cri, un cri rauque, tragique qui résonna dans la salle, comme sur les quais, dans les ruelles du port, résonnent les appels sinistres de la trompe du canot de sauvetage.

— Elle a des cornes… Elle a des cornes… Je vois ses cornes…

Il commanda à sa femme :

— L’escabeau… vite !

À sa fille :

— Ton filet à papillons.

Puis il se ravisa :