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— Mais, mon cher Legrel… cette vespide si intelligente… pourquoi s’obstinait-elle à voler contre le vent ?… Elle n’avait qu’à prendre le vent…

À ce moment, la cuisinière apportait un poulet, loyalement cuit à la broche et arrosé de beurre grésillant, selon la tradition d’autrefois. Cette diversion permit à Legrel de ne pas répondre immédiatement. Il avait levé les yeux vers le plafond, sans doute pour chercher dans les hauteurs l’inspiration de sa réponse, quand tout à coup je vis son front se plisser, ses yeux se noyer d’ombre. Et, se servant de ses poings fermés arrondis en tube comme d’une lunette d’approche, il s’écria :

— Tiens !… tiens !… tiens !… par exemple ! Mais qu’est-ce que c’est ?… Regarde donc… qu’est-ce que c’est ?

Et il montra à sa femme une grosse araignée, qui courait sur une moulure de la corniche.

— Toi qui as de bons yeux, Irène, dit-il encore à sa fille… Lui vois-tu des cornes ?

Irène s’était levée vivement, s’était rapprochée de l’endroit où l’araignée faisait ses évolutions.

— Oui, père, répondit-elle… Je crois bien qu’elle a des cornes…

— Deux ?…

— Au moins deux.