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les sentiers les plus étroits, prenant bien soin de ne pas marcher sur les plates-bandes, évitant de heurter les plantes, surtout de les arroser comme font les autres chiens, même les mieux dressés. Mme Legrel me confia ceci :

— Je puis vous le dire maintenant, j’avais une peur pour le jardin… une peur !… J’en tremblais. Mais il est inouï, ce chien… Il comprend tout… Vous avez dû avoir beaucoup de mal à le dresser ainsi.

— Nullement, répondis-je, heureux de tous les éloges dont on comblait Dingo… Cela lui est naturel… Il est comme ça…

— Ah ! c’est inouï !… réitéra Mme Legrel. C’est vraiment inouï !

— Mais pas du tout… affirma Legrel… Il est comme ça… La nature !… La nature !…

Et s’adressant encore à moi :

— Très intéressant… très important même… capital… On ne sait pas assez ce dont la nature est capable…

Je jugeai cette réflexion un peu naïve, un peu faible pour un si grand savant. Mais quoi !… Toujours la même attitude sans doute. Et peut-être aussi que Legrel, par bonté d’âme, voulait se mettre à notre portée, ne pas trop nous humilier, ne pas nous trop écraser de sa supériorité. Je lui en voulus tout de même un peu de cette banalité