Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ça se peut pas… à cause de Vincent… Si nous avions un chemin de fer, qu’est-ce que Vincent deviendrait ? Ses voitures ? Ses chevaux ? On ne peut pas faire ça à Vincent…

Ainsi leur esprit de solidarité se trouve aisément d’accord avec leur paresse héréditaire, la peur qu’ils ont de rompre des habitudes très anciennes, la haine qu’ils professent instinctivement pour tout ce qui est nouveau.

Alors, aux gains des quatre intermédiaires, il faut ajouter le prix des messageries, les pertes de temps, les oublis, les erreurs continuelles de ce sacré Vincent… Voilà comment ils résolvent les problèmes économiques dans ce village.

Mais revenons à notre Pierre Piscot…

Il faut connaître la maison de Piscot. Écrasée entre les gros murs d’une bergerie et d’une grange, en plein nord, c’est une masure à peine couverte, mal fermée, une toute petite masure en ruines où s’infiltre le purin de la bergerie, où s’accumulent les poussières malsaines de la grange et où les huit enfants, s’entassent dans un coin sur de la paille, comme des lapins dans un clapier. Jamais je n’ai vu rien de si sale, de si puant… Mais, que voulez-vous ? La femme n’a pas le temps de balayer, de frotter, de nettoyer, d’aller au lavoir. Elle n’a le temps de rien, car il faut