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chevaux, entrent dans le café en se bourrant les côtes de coups de poing, joyeusement.

J’ai déjà dit qu’avec sa très antique diligence peinte en jaune, Vincent Péqueux, dit La Queue, deux fois par jour fait le service des voyageurs et des messageries entre Ponteilles et la gare de Cortoise : dix kilomètres. En toutes saisons, même au plus brûlant de l’été, Vincent porte une casquette russe en cuir et une courte veste, en cuir également, doublée de peau de mouton. Il se plaint d’avoir trop chaud, mais il n’a pas songé jusqu’ici à changer de casquette et à vêtir une blouse légère. C’est lui qui emporte et rapporte le courrier. À force de s’arrêter en route à tous les bouchons, à tous les cafés, de se faire offrir des petits verres par les voyageurs et de prendre les commissions de tout le monde, il manque souvent le train. Et, quand il a trop bu, il égare les sacs de correspondance et les colis postaux.

— Ah ! vous savez… Vincent a encore perdu le courrier, aujourd’hui…

— Sacré Vincent !

On en rit.

Le maire rencontre Vincent :

— Eh ben, quoi, mon gars ?… Le courrier ?

— Ah ! c’est curieux… je ne sais pas ce que j’en ai fait, monsieur Lagniaud…