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comme un sillage, comme une traînée de pourriture… Piscot a fini par s’y habituer. Il trouve même que c’est une bonne odeur, une odeur qui convient aux femmes.

Ainsi, voilà dix êtres humains, obligés de vivre, se nourrir, s’habiller, acheter et réparer des outils, se saouler, avec trois francs par jour et cela, dans un petit pays, où, faute d’initiative administrative, d’intelligence, de moyens pratiques de circulation, tout est hors de prix.

Dans les petits pays, on ne veut pas le croire, l’existence est beaucoup moins facile, beaucoup plus dure aux pauvres gens qu’à Paris. Chaque objet de consommation y arrive, préalablement grevé des gains de trois ou quatre intermédiaires. Un sou de fil s’y paie deux sous… quatre sous de pétrole y valent six sous. Il n’est pas rare que les choses les plus indispensables y soient de vingt-cinq pour cent plus chères et cent pour cent plus mauvaises. La plupart du temps, elles manquent…

Rien de plus aisé à démontrer. Deux exemples, pris entre cent autres, y suffiront.

Quelques jours après mon installation dans ce village, j’allai chez Jaulin.

En outre des divers métiers que j’ai déjà énumérés, Jaulin vend de l’essence pour les