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de lait frais, qu’il se mit à boire avec une avidité d’ivrogne, si tant est qu’il existe des ivrognes qui boivent du lait avec l’avidité d’un chien…

Le surlendemain seulement, je reçus une très longue lettre explicative. Elle était signée : « Sir Edward Herpett ». Ah ! comment n’avais-je pas tout d’abord songé à Sir Edward Herpett ? Mais je songe si peu à lui…

Sir Edward Herpett est un de mes amis, un ami de tout repos, un de ces excellents, de ces précieux amis, comme j’en ai beaucoup à Paris, beaucoup à Londres, Rome, Berlin, New-York et aussi, je suppose, à Calcutta. Entendez qu’il ne me fatigue pas de son amitié et que je ne l’accable pas de la mienne. À peine si je le connais… Je le connais si peu que, s’il m’arrive — oh ! une fois tous les cinq ou six ans — de penser à lui, il ne m’arrive pas toujours de reconstituer son visage… Un visage, autant qu’il m’en souvienne, très régulier, très rouge, entièrement rasé, sans la moindre expression caractéristique par où il puisse se distinguer d’un autre visage ami… un de ces froids portraits britanniques qu’on voit, toujours le même, sous les dénominations les plus diverses, dans les magazines illustrés de la plus grande Bretagne.

Un soir de mai, je l’ai rencontré à Londres,