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mais jovial à la façon des paysans, dont les joies enfermées apparaissent rarement à la surface de leurs yeux. Il est grand, sec, d’un blond terne, la face grise et tavelée, barrée par une moustache du même ton, mais plus claire que la peau. Ayant le buste trop court, les jambes et les bras trop longs, il marche dégingandé, comme un faucheux.

En semaine, il travaille comme quatre ; le dimanche, il se saoule comme dix. Mais on n’a jamais vu que son ivresse fût querelleuse et méchante. Le travail lui a courbé le dos, déformé en gros nœuds de branche les articulations de l’épaule et du poignet, durci les mains comme de la pierre. L’ivrognerie lui a fait une expression d’enfant, d’enfant flétri et farceur. Les uns l’estiment, car il est complaisant, très doux, toujours prêt à rendre service, à donner un coup de main et l’on ne se gêne point pour exploiter jusqu’à l’indiscrétion cette tendance généreuse de son caractère.

D’autres, en parlant de Piscot, hochent la tête :

— Pas mauvais garçon, oh ! pas mauvais garçon… Mais… mais… mais…

Sans formuler une accusation précise, ils laissent entendre qu’il faut se méfier de lui. Ils commentent volontiers un vol important commis, il y a cinq ans, chez le boulanger. Il n’y a pas de