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— Vous avez bien compris ?

— Oui… Oui…

— Vous comprenez bien ? Vous comprenez bien tout ?

Le front bourré, l’esprit tendu jusqu’à la congestion, les oreilles bourdonnantes, suant de partout à grosses gouttes, abruti, ahuri, le paysan ne comprenait rien, absolument rien, à tout ce verbiage de procédure, qu’on ne comprenait pas déjà, du temps de Louis XIV où on l’inventa. Il répondit les lèvres serrées, l’œil hagard :

— Pardi… bien sûr que je comprends…

Le notaire appuya avec un plaisir démoniaque :

— C’est grave, vous savez… très grave… Je vais vous relire ce passage, particulièrement grave… Parce que je ne veux pas que vous veniez me dire plus tard… que vous n’avez pas compris… Faites attention… Pesez la valeur de chaque mot, cherchez le sens de chaque phrase… Je relis…

Le paysan avait l’air d’un noyé…

— Pas la peine… pas la peine… dit-il… Je comprends, allez !

Le notaire s’obstina. J’admirais sa force de tortionnaire.

— Réfléchissez encore… Allons, je relis…

— Non… non… Puisque je comprends…