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Il est donc arrivé, peut-être pas au terme, mais sûrement à une étape du voyage. Alors Dingo le quitte et revient reprendre sa place derrière moi, heureux d’avoir rempli sa tâche fraternelle, sa bonne tâche de chien de renfort.

Adieu ! fait-il.

C’est ainsi que je traduis le petit bruit qui sort de sa gorge.

— Ah ! le bougre ! fait l’homme. Tu es un bougre…

Et telle est la vertu sédative d’un acte de bonté, même vaine, que cet effort dans le vide, qui m’a rappelé l’empressement comique d’Auguste dans les intermèdes de l’Hippodrome, a paru soulager le miséreux qui repart en souriant à Dingo. Et moi, repoussant la grotesque image du clown un instant évoquée, je m’attendris…

Ah ! comme je m’attendris sur l’homme et sur le chien !

Nous restons quelques secondes à suivre de l’œil l’homme et la voiture qui vont tortillant, dévalant, s’éloignant allègrement.

Mais voici que de gros nuages noirs ont envahi le ciel et voilé le soleil. Quelques gouttes de pluie tombent sur la route… Un roulement de tonnerre encore lointain se fait entendre. Et le vent qui vient vers nous commence à coucher, dans la vallée, la cime des peupliers.