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— Sans doute, les moutons… C’est un noble métier, tu sais ?… Et il donne du mal… Peu de chiens en sont capables… Il y faut un apprentissage difficile, de l’endurance, de l’autorité… un esprit de justice… du coup d’œil…

Dingo interrompit, sans dissimuler plus longtemps son dégoût :

— Eh bien, c’est du propre !… Ah ! je vous conseille de vous en vanter !…

Très calmes, très dignes, les Bas-Rouges dédaignèrent cette observation de Dingo. Ils interrogèrent, à leur tour :

— Et toi ?… Qu’est-ce que tu fais ?

Dingo, d’un ton coupant, répondit :

— Ce qu’il me plaît… Ça ne regarde personne…

— Bon !… concédèrent les Bas-Rouges… Et d’où viens-tu, au juste ?… Tu n’es sûrement pas d’ici ?

— D’où il me plaît… Qu’est-ce que cela peut bien vous faire ?

Les Bas-Rouges ricanèrent :

— Oui… Oui… tu es un chien de luxe… un chien de bourgeois… Tu paies dix francs, au percepteur, le droit de ne pas travailler… Oui… Oui… c’est bien cela… Tu lèches les assiettes de ton maître, hein ?… Et tu finis les sauces dans les plats, à la cuisine… Joli métier, mon vieux !… Tu as raison d’en être fier… Et sans doute que