Page:Octave Beliard Une expédition polaire aux ruines de Paris 1911.djvu/3

Cette page a été validée par deux contributeurs.
799
Une Exploration Polaire aux Ruines de Paris


SUR L’EMPLACEMENT DE CE QUI FUT PARIS.

Ils avaient plusieurs fois franchi les régions extrêmes où le soleil, durant un jour de six mois, roule à ras du sol sur la piste circulaire de l’horizon comme un motocycle de cuivre rouge, pour disparaître ensuite pendant six mois de nuit. Ils étaient revenus sur leurs pas. L’espérance pâlissait. L’idée de Tulléar prévalut : on retournerait à Tananarive. Or, une nuit, l’Aurore boréale déroula sur le firmament ses ondulations féériques ; des flammes claquèrent comme des pavillons, colorant les blancheurs de la terre d’un jour verdâtre. Les hommes, en joie, s’exclamèrent.


Les voyageurs remisèrent leur aéronef au Panthéon, dont la coupole ravagée émergeait d’un énorme amoncellement de glace. — Composition de Lanos.

À la lueur du feu d’artifice momentané se révélait une cité extraordinaire ; c’étaient des monuments énormes et harmonieux, coiffés de neige, des silhouettes fantomales de tours et de dômes. Une ville ? un cimetière plutôt : quelque chose qui avait dormi des milliers d’années, et qui revivait dans la lumière. Cela s’étendait d’un bout de l’horizon à l’autre et, quand les aviateurs précipitèrent leur descente, ils eurent l’illusion que la Ville montait vers eux, dans une apothéose.

À la vérité, les détails en étaient flous et enveloppés. L’ensemble donnait l’impression d’un chaos tourmenté, d’un grand troupeau moutonneux de bosselures imprécises. Mais des choses tranchaient. Au nord et au midi, deux mamelons arrondis se gonflaient de cabochons immaculés et précieux. Entre eux se creusait une vallée ; tout au fond, un ruban lisse et sinueux devait être une rivière gelée, divisée par des îles. Dans l’une de ces îles, une masse énorme érigeait deux tours jumelles. On remarquait encore, plus loin, vers l’ouest, un rectangle colossal mi-enfoui, et, sur l’autre rive, un grand chandelier de fer encotonné comme les ifs de Noël.

« Paris ! Paris, peut-être ! » s’écria Atanibé.

Le cœur de Fandriana battait à se rompre.

« Quelle merveille ! » murmura-t-il.

L’obscurité se fit à nouveau. L’aéronef se posa avec précaution sur une vaste place, dans une île du fleuve. À quelque pas, des traînées blanches dessinaient sur le noir de la nuit les linéaments des deux colosses jumeaux tout à l’heure aperçus d’en haut.

Fandriana eut peine à ne pas, tout de suite, partir à la découverte. Mais la prudence