Une Exploration Polaire aux Ruines de Paris
Récit des Temps Futurs
ictor Hugo, dans une
pièce magnifique, a
décrit ce que pourrait
être un jour l’Arc de
Triomphe en ruines, dans
Paris déserté par le mouvement
et par la vie. Ne
peut-on, portant le regard
plus loin encore
dans l’avenir, imaginer
une époque où, par suite
du refroidissement du
globe, l’Europe aura été
envahie par les glaces,
où la civilisation, se déplaçant,
se sera réfugiée
vers les pays des tropiques ?
Alors des explorateurs
viendront interroger
le désert glacé où fut
jadis notre cité, comme
aujourd’hui les nôtres
partent à la découverte
des régions polaires. Telle
est la curieuse vision des
âges futurs qu’a imaginée
l’auteur de ces pages si
étrangement suggestives.
ans un ciel où le soleil
semblait n’avoir
jamais mis son
éblouissement, un ciel livide
d’encre de Chine, l’aéronef, tout blanc, secouait
ses ailes d’oiseau polaire d’où tombait
un duvet neigeux. Voilà des jours qu’on avait
dépassé les bornes du monde vivant.
Tulléar, Fandriana, Atanibé se serraient dans le roof, autour du poèle électrique.
« Je vous dis que c’est une folie, grogna Tulléar. Nous ferons le tour du monde en passant par le pôle. Et après ? Quand je songe que nous pourrions être bien au chaud, à Tananarive, avec nos femmes !
— Être ici, ou être ailleurs ! riposta négligemment le jeune Atanibé : la vie est si monotone !
— Moins monotone ailleurs qu’ici. Toujours la banquise, des aiguilles de glace à trois cents mètres au-dessous de nous, avec la perspective d’y choir ! Regardez plutôt. »
Les regards coulèrent vers le hublot inférieur. Des blancheurs blafardes révélaient des architectures cristallines, un paysage lunaire aux arêtes dures.
« C’est la mer, murmura Fandriana. Quand nous serons au-dessus des terres, l’aspect sera moins sauvage. Un peu de patience, et pensez à la gloire qui nous attend, si, plus heureux que tant de voyageurs, nous retrouvons Paris, Paris perdu depuis des millénaires ! »
Tulléar hocha la tête.
« Il n’y a que les fous et les poètes, qui sont aussi des espèces de fous, dit-il, pour se lancer dans de pareilles aventures. Nous savons, il est vrai, que Paris a existé, dans un passé insondable. Nous le savons par les œuvres de la littérature antique qui nous sont parvenues, souvent par tradition orale, tronquées, mutilées, défigurées dans le cours des siècles. Nos études classiques nous ont fait vivre familièrement avec Victor Hugo, pour ne citer que celui-là, que nous ne comprenons pas toujours très bien. Il chante Paris, ses monuments, son histoire, la gloire d’un grand Empereur, des batailles, des trophées. Les paléographes supposent que son