sivement composées de Brahmanistes et de Parsis, qui doivent se jeter sur les côtes du golfe Persique pour soutenir les forces anglaises. Le 25 juillet, une formidable bataille se livre sous les murs de la Mecque. Les pèlerins, très supérieurs en nombre, se battent comme des lions, se dévouant eux-mêmes à la mort sainte. Mais ils ne sont ni armés ni commandés. C’est la horde luttant en plaine, presque exclusivement à l’arme blanche, qui se précipite à cent contre un au-devant des charges d’infanterie. En vain la cavalerie bédouine harcèle les flancs de la petite armée ; les fusils européens font des salves meurtrières, et l’artillerie postée sur les hauteurs noie la ville sous une pluie d’obus. On s’extermine pendant deux jours. C’est une innommable boucherie, à laquelle met subitement fin l’éclatement d’un obus sur un des minarets de la mosquée, qui croule en écornant un angle de la Caaba. Un silence terrifié suit le sacrilège. On hisse un drapeau blanc : les hommes pensent mourir, il faut sauver la maison de Dieu. Le grand chériff sort de la cité et les rangs mornes des croyants, tous fumants encore des sueurs de la bataille, s’écartent devant lui. Il vient traiter de la trêve. Les troupes infidèles, renforcées de nouveaux arrivants, camperont autour du saint lieu ; ce qui reste des pèlerins sera conduit à la côte, par groupes, et rapatrié.
Ceux qui, si la guerre sainte éclatait, surexciteraient le fanatisme des foules musulmanes : Trois des cheikhs
senoussis qui vinrent du désert pour combattre les Italiens en Tripolitaine. (Cliché Pol Tristan.)
Un grand cri s’élève du monde musulman : la
Mecque est violée ! Aucun ménagement diplomatique
ne peut rien contre ce fait brutal. Des extrémités de
la terre, une vague de haine monte et va battre les
murailles du Sérail. Les ambassadeurs de Turquie
et de Perse quittent Londres, rappelés en hâte
par leurs gouvernements. L’Europe s’affole, ne
sachant au juste quel sera le nombre et la force
de ses ennemis, et si l’Angleterre, la grande puissance
musulmane, pâtira seule de ce cataclysme. Le sultan,
à la cérémonie du Sélamlik, a proclamé la guerre sainte
au mirahb de la mosquée. On est au 15 août. Il
passe en voiture à côté du Cheik-ul-Islam, un peu
pâle, malade d’émotion contenue, dans le sourd
fracas des tambours, le rire aigre des fifres, la clameur
déchirante des trompettes. Dans les rues de Stamboul,
une foule ardente se presse avec des cris
de joie et de mort, acclamant les chefs militaires
à l’uniforme brodé d’or, et les escadrons au trot,
que les fez allument de lueurs rouges. Par la portière
des coupés, les femmes voilées jettent des pétales
de roses. À chaque minaret de la cité immense
des cris de muezzins s’éparpillent dans l’air et s’unissent
en une grande clameur, faisant répéter aux
échos de la Corne d’Or qu’il n’y a d’autre Dieu
qu’Allah et que Mahomet est le prophète d’Allah.
On envahit l’asile verdoyant du cimetière d’Eyoub,
pour crier entre les cyprès et les rosiers, aux saints
qui dorment dans la quiétude de la terre, que Dieu
va venger les siens et exterminer les infidèles comme
aux temps héroïques
de la conquête.
Les derviches
tourneurs
sortent de leurs
couvents en foule
confuse et blanche,
et, pris d’une
fureur sacrée, dansent
sur les places,
en hurlant,
au bruit des tam-tams
et des flûtes.
Il semble qu’on
ait rompu une
digue millénaire
et qu’une vague
d’humanité en
révolte roule sur
la ville, heurtant
les murailles, s’écrasant
aux ruelles. Et quand la
vague s’en est
allée porter dans les quartiers lointains la ruine et
les mugissements de colère, on voit se balancer aux
lanternes, aux bords surplombants des terrasses,
des pendus livides, cadavres de chrétiens, cadavres
de suspects. L’épouvante règne à Péra, quartier des
Arméniens et des ambassades. On a coupé le pont
et l’on se fortifie, attendant le massacre inévitable.
Les bureaux du télégraphe sont assiégés, les dépêches
fiévreuses s’envolent, appelant l’Europe au
secours, criant l’angoisse.
Des confins de l’empire turc, les chemins de fer charroient les armées mobilisées. La Turquie possède 255 000 hommes de troupes de première ligne. La mobilisation en masse porte ce nombre à un effectif de guerre de 1 200 000 combattants avec 1 696 pièces de campagne. Sa flotte comprend 20 cuirassés, 10 croiseurs et 49 bâtiments de second ordre, canonnières et torpilleurs. En même temps que son armée s’ébranle, par une entente rapide avec le gouvernement de Téhéran, elle donne le signal à la Perse, qui met sur pied 100 000 combattants, aussitôt dirigés sur l’Arabie. Ce sont les armées de premier choc, en quelque sorte l’avant-garde de la grande horde musulmane, plus lente à se ranger en bataille et dont il sera impossible de calculer les forces, répandues sur toute l’Afrique noire, sur l’Inde, le Turkestan, la Tartarie, la Russie et la Chine. L’ordre du grand chef religieux de l’Islam oblige tous les Musulmans, vieux ou jeunes, au risque des châtiments éternels. Aucun ne se dérobera. Cent millions d’hommes, c’est trop peu dire.
La flotte ottomane bombarde les îles de la Méditerranée, Chypre et Malte. On va se battre. L’escadre méditerranéenne de l’Angleterre, le 20 août, est en vue du Pirée. La fumée noire des dreadnought