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rer les petits, les peuples de se décimer ? Il a voulu cela pour l’accomplissement de desseins qui ne sont pas les nôtres et que nous ignorerons toujours. Et il est si supérieur à la morale humaine que le Croyant bénit sa main tout aussi bien quand elle frappe que lorsqu’elle caresse. Ceux mêmes qui n’adorent pas se résignent en disant avec le poète :

Puisque ces choses sont, c’est qu’il faut qu’elles soient

« Les imbéciles seuls blasphèment, également incapables de nier Dieu et de se fier en lui sans le quereller sur les moyens qu’il emploie pour créer la grande harmonie inconnue. Ce que Dieu est pour nous, s’il existe — et s’il n’existe pas, tout devient indifférent — nous le sommes pour le peuple de la Pinède. Nous ne lui devons pas de comptes, tout en le gouvernant au mieux de ses intérêts ; et si ces intérêts se trouvent en conflit avec des intérêts supérieurs de nous seuls connus, il doit bénir notre main qui le sacrifie justement.

« Ou ce petit monde sera déchiré, ou il déchirera l’autre, le grand. Voyez-vous au dilemme une échappatoire ? Laissez donc, d’un cœur paisible les choses aller, quelque pénibles qu’elles soient. Aussi bien je ne vous demande aucun acte. On croit, dans la Pinède, que vous êtes mon ennemi ; votre présence a donné prétexte à la révolte de la plèbe contre ses maîtres. Consentez à cette rivalité apparente, laissez l’erreur se propager, n’y contredisez pas par vos paroles et vos gestes. Restez lointain, rare et furtif dans vos apparitions. C’est tout ce que je veux et tout ce que j’attends, tout ce que j’espère de votre présence ici. Un peuple divisé dans ses croyances est un peuple qui s’égorge. Observons. Et, termina-t-il en levant la séance, habillez-vous : le déjeûner doit-être prêt.

(À suivre).