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l’association médicale

LES PETITS HOMMES DE LA PINÈDE

Par le Dr  Octave BÉLIARD
(Suite)[1]
CHAPITRE v
Comment les Petits Hommes interprétèrent
cette visite nocturne.

Un fil de lumière marquait dans la nuit du vestibule le rectangle d’une porte mal jointe. À cette heure où l’aube allait poindre, le cabinet du Dr Dofre veillait encore.

— Comment ? Vous m’avez attendu ?

— En bonne compagnie, fit cet homme extraordinaire en refermant un livre. On ne dort guère, à mon âge… Mais, comme vous voilà fait !

Mes vêtements saturés d’une eau boueuse s’égouttaient sur le tapis et l’étoilaient de taches noirâtres. J’étais gelé. Dofre m’indiqua d’un geste l’âtre où les fibres du bois incandescent se brisaient en lançant des pétards sonores. Une douce tiédeur m’envahit à ce voisinage et je restai debout, enrobé de vapeurs, face au feu pourpre et bavard dont ma fatigue écoutait la légende silencieusement. Le vieillard me laissait reposer.

— Eh ! bien, dit-il enfin, vous avez vu ?

— J’ai vu.

La flamme lécha une écorce qui se tordit désespérément, jeta une lueur vive et courte et tomba dans les cendres. Le bois mis à nu bava contre l’attaque et déchargea toute sa mousqueterie.

— J’ai vu et j’ai été vu, dis-je avec l’hésitation d’un écolier pris en faute.

— Ah !

Le besoin de parler me prenait. Je racontai mes étonnements, mes découvertes, la marche au bord de la rivière… Et puis la Ville, l’abordage dans l’île, ma rêverie sur le toit du palais, la violation du temple, enfin ma course éperdue. Dofre ne fit aucune interruption. Seulement, quand j’eus fini mon récit, il murmura :

  1. Voir l’Association Médicale, nos 6, 7, 8, 9 et 10.