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Monsieur de Moliere, si vous les abandonnez à la rigueur d’un jugement public, n’est-il pas juste que vous ayez quelque ressentiment du tort qu’elles vous font ; et quoy que ses vers ne soient remplis que de pensées aussi honnestes qu’elles sont fines et nouvelles, doit-on s’estonner si vous avez tasché de monstrer à nostre illustre Monarque, que ces Ouvrages causoient un scandale public dans tout son Royaume, puisque vous sçavez qu’il est si sensible du costé de la Pieté et de la Religion. Il est vray que vostre passion vous aveugloit beaucoup ; car depuis, ce grand Prince si Chrestien et si Religieux, ne s’eclaire que par luy-mesme ; vous deviez considerer que les matieres les plus embroüillées estoient fort intelligibles pour luy, et que par consequent vos accusations ne serviroient que pour convaincre d’une malice d’autant plus noire, que le voile que vous luy donniez estoit trompeur et criminel.

Mais aussi, s’il m’est permis de reprendre mes Maistres, je vous feray remarquer que vous laissastes glisser dans vostre Critique quelques mots qui tenaient plustost de l’animosité que de la veritable devotion ; car me soustiendrez-vous que c’est par charité que vous l’accusez de piller ses meilleures pensées, de n’avoir point l’esprit inventif et de faire des postures et des contorsions qui sentent plutost le possedé que l’agréable bouffon ? Il me semble que vous pourriez souffrir de semblables defauts, sans apprehender que vostre conscience en fust chargée, ou bien Dieu vous a fait des commandemens qui ne sont pas comme les nostres.