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Vous pouvez voir par ce raisonnement, si la Critique, comme il dit, estoit necessaire pour le salut public, et si la moralité et le bon sens sont tout entiers dans son discours, puisqu’il nous donne lieu de conclure qu’il vaut mieux estre meschant en effet qu’en apparence, et qu’on a plustost le pardon d’une impieté reelle, que d’une feinte.

Cher Ecrivain, de peur qu’en travaillant à vous attirer cette reputation d’homme de bien, vous ne perdiez celle que vous avez d’estre fort habile homme et plein d’esprit, je vous conseille en amy de changer de sentiment ; puisque Dieu lit dans le fond de l’ame, vous devez sçavoir qu’il ne se fie jamais aux apparences, et que par consequent il faut estre coupable en effet, pour le paroistre devant luy ; ou bien, si vous avez tant d’aversion à vous dedire de ce que vous avez soustenu, ne faites point de scrupule de nous avouer que vostre Livre n’est point vostre ouvrage, et que c’est l’envie et la haine qui l’ont composé.

Nous sçavons bien que Monsieur de Moliere a trop d’esprit pour ne pas avoir des envieux ; nos interests nous sont tousjours plus chers que ceux d’autruy, et je suis si fort persuadé qu’il est fort peu de gens dans le siecle où nous sommes, qui n’aidassent au debry de leurs plus proches voisins, s’il leur devenait utile ou profitable, que les coups les plus injustes et les plus inhumains ne me surprennent plus. Puisque vous apprehendez que les productions de votre genie, tout sublime qu’il est, ne perdissent beaucoup de leur prix, par l’eclat de celles de