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qui ne fust blasé, l’Autheur du Festin de Pierre, par un trait de prudence admirable, a trouvé le moyen de le faire connoistre pour ce qu’il est, sans le faire raisonner. Je sçay que les Ignorans m’objecteront tousjours, deux et deux sont quatre, et quatre et quatre sont huict, et je leur repondray que leur esprit est aussi fort que le raisonnement est persuasif. Il faut avoir de grandes lumieres pour s’en deffendre ; il dit beaucoup et prouve encore davantage, et comme cet argument est convainquant, il doit, avec justice, faire douter de la veritable Religion. Il faut avouer que les Ignorans et les Malicieux donnent bien de la peine aux autres. Quoy, vouloir que les choses qui doivent justifier un homme, servent à faire son Procez ? Dom Juan n’a dit deux et deux sont quatre, et quatre et quatre sont huict, que pour s’empescher de raisonner sur les choses que l’on luy demandait ; cependant, l’on veut que cela soit capable de perdre tout le Monde, et que ce qui ne marque que sa croyance, soit un raisonnement tres-pernicieux !

On ne se contente pas de faire le Procez au Maistre, on condamne aussi le Valet, pour ce qu’il n’est pas habile homme, et qu’il ne s’explique pas comme un Docteur de Sorbonne. L’Observateur veut que tout le Monde ait egalament de l’esprit, et il n’examine point quel est le personnage. Cependant il devroit estre satisfait de voir que Sganarelle a le fonds de la conscience bon, et que s’il ne s’explique pas tout à fait bien, les gens de sa sorte peuvent rarement faire davantage.