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charitable, pust s’emporter jusqu’à dire des choses tellement contraires à la Charité. Est-ce comme un Chrestien doit parler de son frere ? Sçait-il le fond de sa conscience ? Le connoist-il assez pour cela ? A-t-il tousjours esté avec luy ? Est-il enfin un homme qui puisse parler de la conscience d’un autre, par conjecture ? Et qui puisse asseurer que son Prochain ne vaut rien, et mesme qu’il n’a jamais rien valu ? Les termes sont significatifs : la pensée n’est point enveloppée, et le Jamais y est dans toute l’etendue que l’on luy peut donner. Peut-estre, me direz-vous, qu’il estoit mieux instruit que je ne pense, et qu’il peut avoir appris la vie de Moliere, par une Confession generale. Si cela est, je n’ai rien à vous repondre, sinon qu’il est encore plus criminel ; mais enfin soit qu’il sçache la vie de Moliere, soit qu’il croye la deviner, soit qu’il s’attache à de fausses apparences, ses avis ne partent point d’un frere en Dieu, qui doit cacher les fautes de son Prochain à tout le Monde, et ne les decouvrir qu’au Pecheur.

Ce Donneur d’avis devrait se souvenir de celuy que saint Paul donna à tous ceux qui se meslent de juger leurs freres, lorsqu’il dit : Quis es tu indicas fratrem tuum ? Nonne Stabimus ormes ante Tribunal Dei ? et ne s’emanciper pas si aisement, et au prejudice de la Charité, de juger mesme du fond des ames et des consciences, qui ne sont connues qu’à Dieu, puisque le mesme Apostre dit qu’il n’y a que luy qui soit le Scrutateur des cœurs.

Je vous avouë que cela doit toucher sensiblement, qu’il y a des injures qui sont moins