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mens à l’imagination : une Religieuse debauchée, et dont l’on publie la prostitution ; un Pauvre à qui l’on donne l’aumosne à condition de renier Dieu[1] ; un Libertin qui seduit autant de filles qu’il en rencontre ; un Enfant qui se mocque de son pere, et qui souhaite sa mort ; un Impie qui raille le Ciel, et qui se rit de ses foudres ; un Athée qui reduit toute la Foy à deux et deux sont quatre, et quatre et quatre sont huit ; un Extravagant qui raisonne crotesquement de Dieu, et qui par une cheute affectée casse le nez à ses arguments, un Valet infâme fait au badinage de son Maistre, dont toute la creance aboutit au Moine-Bourru : car pourveu que l’on croie le Moine-Bourru, tout va bien, le reste n’est que bagatelle ; un Demon qui se mesle dans toutes les Scenes, et qui repand sur le Theatre les plus noires fumées de l’Enfer ; et enfin un Moliere pire que tout cela, habillé en Sganareile, qui se moque de Dieu et du Diable, qui joue le Ciel et l’Enfer, qui souffle le chaud et le froid, qui confond la vertu et le vice, qui croit et ne croit pas, qui pleure et qui rit, qui reprend et qui approuve, qui est Causeur et Athée, qui est hypocrite et libertin, qui est homme et demon tout ensemble : un Diable incarné, comme luy-mesme se definit[2]. Et cet homme de bien appelle cela corriger les mœurs des hommes en les divertissant, donner des exemples de vertu à la jeunesse, reprimer galamment les vices de son siecle, traiter serieusement les choses saintes, et couvre cette belle morale d’un feu de chaste, d’un foudre imaginaire, et aussi ridicule que celuy de Jupiter, dont Tertullien raille si agréa-

  1. L’édition originale porte en marge « En la première représentation ».
  2. L’édition originale porte en marge « Dans sa Requête ».