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son esprit ; il se mocque egalement du Paradis et de l’Enfer, et croit justifier sulfisamment ses railleries, en les faisant sortir de la bouche d’un estourdy : Ces paroles d’Enfer et de chaudieres bouillantes, sont assez justifiées par l’extravagance d’Arnolphe, et par l’innocence de celle à qui il parle[1]. Et voyant qu’il choquoit toute la Religion, et que tous les gens de bien luy seroient contraires, il a composé son Tartuffe et a voulu rendre les dévots des ridicules ou des hypocrites : il a cru qu’il ne pouvoit deffendre ses maximes, qu’en faisant la Satyre de ceux qui les pouvoient condamner. Certes, c’est bien à faire à Moliere de parler de la devotion, avec laquelle il a si peu de commerce, et qu’il n’a jamais connuë ny par pratique, ny par theorie. L’hypocrite et le devot ont une mesme apparence, ce n’est qu’une mesme chose dans le public, il n’y a que l’interieur qui les distingue, et afin de ne point laisser d’équivoque, et d’oster tout ce qui peut confondre le bien et le mal, il devoit faire voir ce que le devot fait en secret, aussi bien que l’hypocrite. Le devot jeûne, pendant que l’hypocrite fait bonne chere ; il se donne la discipline et mortifie ses sens, pendant que l’autre s’abandonne aux plaisirs, et se plonge dans le vice et la debauche à la faveur des tenebres. L’homme de bien soustient la Chasteté chancelante, et la releve lorsqu’elle est tombée, au lieu que l’autre, dans l’occasion, tasche à la seduire, ou à profiter de sa chute. Et comme d’un costé, Moliere enseigne à corrompre la pudeur, il travaille de l’autre à luy oster tous les secours

  1. L’édition originale porte en marge « Dans sa Critique ». Voir La Critique de l’École des femmes. Scène VI, p. 534.