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avouent librement que ses Pieces sont des Jeux de Theatres, où le Comedien a plus de part que le Poete, et dont la beauté consiste presque toute dans l’action[1] ; ce qui fait rire en sa bouche fait souvent pitié sur le papier, et l’on peut dire que ses Comedies ressemblent à ces femmes qui font peur en deshabillé, et qui ne laissent pas de plaire quand elles sont ajustées, ou à ces petites tailles, qui ayant quitté leurs patins ne sont plus qu’une partie d’elles-mesmes. Je laisse là ces Critiques qui trouvent à redire à sa voix et à ses gestes, et qui disent qu’il n’y a rien de naturel en lui, que ces postures sont contraintes et qu’à force d’etudier les grimaces il fait toujours la mesme chose ; car il faut avoir plus d’indulgence pour des gens qui prennent peine à divertir le public, et c’est une espèce d’injustice d’exiger d’un homme plus qu’il ne peut, et de luy demander des agrements que la nature ne luy a pas accordez ; outre qu’il y a des choses qui ne veulent pas estre veues souvent, et il est necessaire que le temps en fasse perdre la memoire, afin qu’elles puissent plaire une seconde fois. Mais quand cela serait vrai, l’on ne pourroit denier que Moliere n’eust bien de l’adresse ou du bonheur de debiter avec tant de succez sa fausse monnoye, et de duper tout Paris avec de mauvaises pieces.

Voilà en peu de mots ce que l’on peut dire de plus obligeant et de plus avantageux pour Moliere, et certes, s’il n’eust joué que les Précieuses, et s’il n’en eust voulu qu’aux petits Pourpoints et aux grands Canons, il ne meriteroit pas une censure publique, et ne se seroit pas

  1. L'édition originale porte en marge « Dans les Explications du Cocu imaginaire ». Comparer avec Épître « À un ami ».