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traire à sa colère, se renferme dans le tombeau de Ptolémée, et fait répandre le bruit de sa mort. Désespoir d’Antoine qui se frappe de son épée. Antoine mourant se fait porter auprès de Cléopâtre et expire dans ses bras. Octave essaie de se rendre maître de Cléopâtre. Il a une entrevue avec elle, et cherche à la rassurer. Mais la reine d’Égypte, voulant éviter la honte d’être conduite en triomphe à Rome, pose sur son sein un aspic, dont la piqûre lui donne la mort.

» Cléopâtre est un type double, également remarquable par son côté moral et par son côté historique. Dans l’ordre moral, elle représente la passion pure ; dans l’ordre historique, la tyrannie pure. Et nécessairement ces deux ordres se mêlent et s’identifient presque. Cléopâtre aime Antoine avec ardeur, avec caprice, avec peur, avec insolence, comme peut aimer seule ment une Égyptienne et une Égyptienne reine, esclave de Rome, despote de son peuple. De pudeur fausse ou vraie, pas l’apparence ; et cela la distingue autant comme femme que comme reine. Voyez quel contraste elle forme avec la rivale qu’elle déteste ! Octavie est bien la matrone romaine, belle, grave, pure, froide ; la femme qui n’est sortie de la maison paternelle que pour entrer sous le toit conjugal, qui, devenue veuve, est allée demander à son frère la protection que lui donnait auparavant son mari ; la femme qui pourrait sans crainte attacher sa ceinture immaculée à la galère sacrée, certaine de l’entraîner sur ses pas. Pour elle la liberté n’est qu’un nom, l’amour qu’un devoir. La chasteté est la déesse qui préside à sa vie, comme à celle de Cléopâtre la volupté. C’est à cause de cette différence que la reine hait, craint et méprise à la fois la matrone. Elle sent que sa rivale a une vertu qui lui manque, une vertu qu’elle regrette peut-être de ne pas avoir, et dont elle ne voudrait pas, si les dieux la lui offraient ; une vertu dont elle redoute ou dédaigne l’influence sur Antoine, selon qu’elle songe au Romain ou à l’homme. Le Romain, tout voluptueux, tout passionné, tout spontané qu’il est dans la satisfaction de ses désirs, garde pourtant toujours caché dans le fond de l’âme un souvenir respectueux, presque superstitieux, des idées romaines, et, dans une heure de faiblesse de cœur ou de force d’esprit, il peut sacrifier aux préjugés de son éducation les penchants de sa nature. Mais cette nature est si puissante, si active, si déterminée ! Cet homme a un cœur si chaud, une soif