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et grâce à la vertu et aux peines de nos ancêtres, nous sommes restés jusqu’ici sans les transgresser ; nous n’oserions pas devenir assez pervers pour violer nous-mêmes, par crainte de la mort, les interdictions que Dieu a prononcées pour notre bien. 267 Nous supporterons donc toutes les vicissitudes du sort pour maintenir les lois de nos pères. En nous exposant aux dangers, nous savons bien que l’espoir de les vaincre nous restera, car Dieu nous assistera si nous acceptons les plus terribles épreuves pour l’honorer, et la fortune est d’essence changeante. En t’obéissant, au contraire, nous nous exposerions au très grave reproche de lâcheté, car c’est pour ce motif que nous semblerions transgresser la loi, et nous nous attirerions la colère de Dieu qui pourrait bien, même à ton jugement, être plus fort que Caius. »

269 3[1] Petronius vit à leurs discours que leur résolution était invincible, qu’il ne pouvait sans combat servir Caius en lui faisant dédier une statue et qu’il devrait procéder à un grand massacre. Réunissant ses familiers et les officiers qu’il avait autour de lui, il se hâta d’aller à Tibériade, désireux de se rendre compte de la situation des Juifs. 270 Ceux-ci, considérant comme immense le péril de la guerre contre les Romains, mais comme plus grand encore celui de transgresser la loi, se portèrent de nouveau par dizaines de mille au-devant de Petronius quand il fut arrivé à Tibériade, 271 le suppliant de ne pas leur infliger une telle contrainte et de ne pas souiller leur ville par la consécration d’une statue. « Ferez-vous donc la guerre à l’empereur, dit Petronius, sans tenir compte de ses préparatifs et de votre faiblesse ? » — « Puissions-nous n’avoir jamais à combattre ! répondirent-ils, mais nous mourrons avant de transgresser les lois ». Et ils se prosternèrent la face contre terre en découvrant leur gorge[2], déclarant qu’ils étaient prêts à mourir. 272 Cela se répéta pendant quarante jours ; du reste, ils négligeaient de cultiver leurs champs au moment même de la saison des semailles, car ils étaient bien décidés à mourir et le désiraient plutôt que de voir consacrer la statue de l’empereur.

  1. Section 3-6 = Guerre II, 186-187, 192-202.
  2. C’est la même attitude que devant Ponce-Pilate (voir 59).