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j’étais prisonnier, tu n’as pas plus manqué de me servir qu’auparavant lorsque j’étais en état d’être honoré. » Il tint parole et le paya de retour comme il le disait, : 194 plus tard, en effet, devenu roi, il affranchit avec éclat Thaumaste que lui avait donné Caius devenu empereur et il le nomma intendant de sa fortune. En mourant, il le laissa à son fils Agrippa et à sa fille Bérénice pour les servir dans les mêmes fonctions, si bien que Thaumaste mourut âgé avec cette dignité ; mais cela se passa bien plus tard.

195 7. Pour le moment, Agrippa se tenait enchaîné devant le palais, appuyé à un arbre parce qu’il était découragé, en compagnie de beaucoup de prisonniers enchaînés comme lui. Or, un oiseau se posa sur l’arbre auquel Agrippa s’était adossé ; les Romains appellent cet oiseau bubo[1]. Un prisonnier germain, l’ayant vu, demanda au soldat qui était cet homme vêtu de pourpre. 196 Ayant appris qu’il se nommait Agrippa et était de race juive et parmi les plus nobles de cette nation, il demanda au soldat attaché à lui[2] de pouvoir parler au prisonnier, parce qu’il voulait l’interroger sur les choses de sa patrie. 197 Il l’obtint et lorsqu’il fut tout près : « Jeune homme, lui dit-il au moyen d’un interprète, tu es bien accablé par la catastrophe soudaine qui t’a réduit à un malheur si brusque et si complet, et tu ne croiras pas à mes paroles qui pourraient t’expliquer les desseins divins par lesquels tu échapperas à ton malheur présent. 198 Sache donc, — j’en atteste les dieux de ma patrie et ceux de ce pays qui nous ont donné ces fers — que je ne dirai rien parce que la langue me démange, ni pour te réconforter en vain, car les prophéties de ce genre, lorsque les faits les démontent, apportent une souffrance plus pénible que si, dès le début, on n’en avait rien entendu. Mais à mes risques et périls j’ai cru juste de te dévoiler complètement l’avertissement des dieux. 210 Il est impossible que tu ne sois pas rapidement délivré de ces chaînes et que tu n’arrives pas au comble des honneurs et de la puissance ; tu seras un objet d’envie pour

  1. Hibou.
  2. Le soldat est attaché à la même chaîne que le prisonnier qu’il doit garder. Voir Sénèque, Ep. ad Lucilium V : eadem catena et custodiam et militem copulat.