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dit cela, il ordonna à Macron[1], successeur de Séjan, d’amener Eutychus. Ce dernier arriva aussitôt. Tibère lui demanda ce qu’il avait à lui dire contre l’homme qui lui avait donné la liberté. 187 L’autre répondit : « Maître, Caius que voici et Agrippa se faisaient transporter en char et j’étais assis à leurs pieds ; après avoir fait le tour de beaucoup de sujets de conversation, Agrippa dit à Caius : « Si seulement arrivait enfin le jour où ce vieillard, en quittant la vie, te désignera nomme maître du monde ; en effet, Tibère son petit-fils ne nous gênerait guère, car tu le ferais périr et la terre jouirait de la félicité et moi-même tout le premier. » 188 Tibère considéra ces paroles comme dignes de créance et rappela aussitôt son ancien ressentiment contre Agrippa, parce qu’ayant reçu l’ordre de servir Tibère, petit-fils de l’empereur et fils de Drusus, Agrippa l’avait négligé en désobéissant aux ordres reçus et s’était entièrement mis du côté de Caius. 189 « Macron, dit-il, fais enchaîner cet homme ». Macron, soit qu’il n’eût pas compris clairement à qui l’ordre s’appliquait, soit qu’il ne s’attendît pas à un tel ordre concernant Agrippa, temporisa pour être sûr de ce qu’avait dit Tibère. 190 Mais quand l’empereur eut fait le tour de l’hippodrome et trouvé Agrippa encore debout : « Eh bien ! Macron, dit-il, j’ai ordonné d’enchaîner cet homme ! ». Et l’autre lui demandant encore quel homme : « Mais Agrippa ! » dit-il. Alors Agrippa eut recours aux prières, lui rappelant le fils dont il avait partagé la jeunesse et l’éducation donnée à Tibère ; néanmoins cela ne servit de rien et on l’emmena enchaîné et vêtu de pourpre. 191 Comme la chaleur était excessive et qu’on ne lui donnait avec ses aliments que peu de vin, la soif le brûlait ; il se désespérait de cela et le regardait comme une indignité. Ayant donc vu un des esclaves de Caius, nommé Thaumaste, qui portait de l’eau dans un vase, il lui demanda à boire. 192 Quand l’autre lui eut volontiers tendu le vase et qu’il eut bu : « Puisque c’est pour mon bien, dit-il, ô esclave, que tu m’as rendu ce service, si je suis délivré de ces chaînes, je m’empresserai de demander ta liberté à Caius, car, même lorsque

  1. Naevius Sertorius Macro, préfet du prétoire après la chute de Séjan, tué en 38 sous Caligula.