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contre lui. 180 Or, Antonia avait toujours du crédit auprès de Tibère en raison de leur parenté — car elle était la femme de son frère Drusus — et à cause de sa vertu, car, encore jeune, elle avait persisté dans le veuvage et refusé de se remarier bien qu’Augusta l’eût exhortée à le faire, vivant à l’abri de tout reproche. 181 D’autre part, elle avait rendu un très grand service à Tibère. En effet, une grande conspiration avait été ourdie centre lui par Séjan, son familier, qui avait alors le plus grand pouvoir parce qu’il avait le commandement de l’armée[1] : la plupart des sénateurs et des affranchis s’étaient ralliés à lui ; l’armée avait été séduite, l’entreprise faisait de grands progrès et Séjan aurait réussi son coup si Antonia n’avait montré une audace plus avisée que la perversité de Séjan. 182 Dès qu’elle apprit ce qui se machinait contre Tibère, elle lui écrivit tout en détail et, remettant la lettre à Ballas, celui de ses esclaves dont elle était le plus sûre, l’envoya auprès de Tibère à Caprée. Tibère, averti de la chose, mit à mort Séjan et ses complices, tandis qu’il honora encore plus Antonia, déjà estimée par lui, et lui accorda une confiance entière. 183 Donc, sollicité par cette Antonia de questionner Eutychus : « Si, dit Tibère, Eutychus a menti pour amuser Agrippa, le châtiment que je lui ai infligé moi-même est une punition suffisante ; mais si à la torture on reconnaissait qu’il a dit la vérité, qu’Agrippa craigne, en voulant punir son affranchi, d’attirer plutôt sur lui-même un juste châtiment. » 184 Antonia raconta cela à Agrippa et celui-ci ne fit qu’insister davantage pour demander une enquête sur l’affaire. Comme il ne cessait de la supplier, Antonia saisit le moment favorable. 185 Tibère se faisait porter, couché dans sa litière, précédé par son petit-fils Caius et par Agrippa qui venaient de prendre leur repas du matin, et Antonia marchait auprès de la litière ; elle lui demanda donc de faire appeler Eutychus et de l’interroger. 186 Mais lui : « Eh bien, que les dieux sachent, ô Antonia, dit-il, que ce n’est pas de mon propre gré, mais forcé par la demande que je vais agir ainsi ». Après avoir

  1. Chef de la garde impériale, le préfet était le conseiller militaire de l’empereur, de par sa présence à Rome.