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et cocher d’Agrippa, qui se tut sur le moment. 169 Mais accusé par Agrippa de lui avoir volé des vêtements, ce qu’il avait réellement fait, il prit la fuite et, une fois arrêté et mené devant le préfet de la ville Pison, répondit, quand on lui demanda pourquoi il avait fui, qu’il avait à révéler à l’empereur des secrets touchant la sûreté de sa vie. L’ayant fait enchaîner, Pison l’envoya à Caprée, et Tibère, selon son habitude, le garda en prison, parce qu’il était plus temporisateur que ne le fut jamais roi ou tyran.

170 Tibère ne recevait jamais immédiatement les ambassades, et les généraux ou les gouverneurs qu’il avait nommés n’étaient jamais remplacés, à moins que la mort ne les surprit. C’est pourquoi aussi l’interrogatoire des prisonniers était différé. 171 Lorsque ses familiers demandaient à Tibère la raison de ses atermoiements pour des choses de ce genre, il répondait que, s’il traînait les ambassades en longueur, c’était de crainte qu’au cas où il se débarrasserait d’elles tout de suite, d’autres ambassadeurs ne fussent nommés pour revenir le trouver et qu’il n’eût de nouveau l’ennui de les recevoir et de les renvoyer. 172 Quant aux commandements, il les conservait longtemps à ceux qu’il avait choisis une fois pour toutes afin qu’ils fissent preuve de quelque réserve dans l’administration de leurs sujets. En effet, la nature de tous ceux qui avaient le pouvoir inclinait à la tyrannie, et ceux qui ne l’ont pas d’une manière stable[1], mais pour peu de temps et sans savoir quand ils en seront privés, sont plus portés au vol : 173 mais s’ils sont investis de leurs fonctions pour plus longtemps, ils seront bientôt rassasiés de rapines et leurs gros profits leur inspireront plus de retenue pour le reste du temps. Au contraire, si on leur donnait immédiatement des successeurs, les sujets offerts en proie aux fonctionnaires ne pourraient jamais leur suffire, parce que ceux-ci ne verraient pas revenir les occasions qui avaient permis à leurs prédécesseurs de se gorger de butin et de se relâcher ensuite de leur âpreté au gain, puisqu’ils seraient déplacés avant d’avoir profité de leur chance. 174 Et voici ce que Tibère donnait en manière d’exemple[2]. Un blessé gisait à terre ; une quantité de

  1. παγίους A. E. (in margine) : πατρίους cett. codd. Niese.
  2. Le rôle du passant est attribué à Tibère par le Microcosmos (Emblema 24