Page:OC Flavius Josephe, trad. dir. Theodore Reinach, tome 2.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de plaisir à donner et l’homme le plus de profit à recevoir ; ce n’est pas l’or, ni l’argent, ni toute autre richesse, qu’il désirait, lui, un homme et un homme jeune, — bien que ce soient la, pour la plupart des gens, presque les seuls biens désirables et les seuls dons de Dieu, — mais : « Donne-moi, dit-il, Seigneur, un jugement sain et un sens droit, afin de juger le peuple selon la vérité, et la justice. » Cette prière réjouit Dieu ; tout ce que Salomon n’avait pas mentionné dans son choix, il promit de le lui accorder par surcroît : richesse, gloire, victoire sur ses ennemis, mais avant tout une intelligence et une sagesse telles que jamais il n’en échut de semblable à aucun homme, roi ou particulier. De plus, Dieu promit de conserver très longtemps la royauté à ses descendants, s’il persistait à rester juste, à lui obéir et à imiter son père dans ses vertus. Salomon, ayant entendu ces promesses de Dieu, sauta aussitôt de sa couche et se prosterna devant lui, puis il revint à Jérusalem et, après avoir immolé de nombreuses-victimes devant le tabernacle, offrit un festin à tous les siens[1].

2[2]. En ce temps-là, on lui apporta un procès épineux, dont il était malaisé de trouver la solution. Je crois devoir exposer le litige, afin que les lecteurs se rendent compte de la difficulté du cas et que, venant à se trouver dans de semblables conjonctures, ils puissent s’inspirer de la sagacité du roi pour trancher plus facilement les questions qui leur seront soumises. Deux femmes, courtisanes de leur métier, vinrent en sa présence : l’une d’elles, qui se disait victime d’une injustice, prit la parole la première : « Je demeure, ô roi, dit-elle, dans la même chambre que cette femme ; or, il nous est arrivé à toutes deux de mettre au monde le même jour, à la même heure, un enfant mâle[3]. Le surlendemain, cette femme, s’étant endormie sur son enfant, l’étouffe ; elle prend alors le mien de mon sein, l’emporte, et pose le cadavre du sien dans mes bras durant mon sommeil. Au matin, voulant donner le sein à mon enfant, je ne le trouve point, et je m’aperçois que c’est le cadavre du sien qui est couché près de moi ; car je le

  1. L’hébreu dit : « à tous ses serviteurs ». On peut donc lire ίόίους (M S P) et non Ίουδαίους (Niese et Naber).
  2. II Rois, III, 16.
  3. D’après la Bible, l’enfant de l’autre femme (la défenderesse) est né le troisième jour après celui de la plaignante.