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un enfant serait ainsi ravi hors des lois naturelles. Il les engage donc, par considération pour leurs parents, à réfléchir à la douleur que leur causerait la mort d’un fils si vertueux et si jeune, et à s’abstenir de leur attentat, à craindre Dieu, qui était déjà spectateur et témoin tout ensemble de leurs intentions contre leur frère, et qui leur saurait gré d’avoir renoncé à leur forfait et obéi à de sages réflexions ; que s’ils en venaient à l’acte, il n’était pas de châtiment qu’il ne leur infligeât pour leur fratricide, car ils auraient profané sa providence présente en tout lieu et à qui n’échappe rien de ce qui se passe, soit dans la solitude, soit dans les villes ; car partout où se trouve l’homme, il faut se dire que Dieu lui-nième est présent. Leur propre conscience, disait-il, serait le pire ennemi de leur entreprise ; que la conscience soit pure, ou dans l’état où ils la mettront par le meurtre de leur frère, on ne peut fuir devant elle. Il ajoutait encore à ses remontrances qu’il n’est pas légitime de tuer un frère, eût-il mal agi, et qu’il est beau de ne pas garder rancune à des êtres chers des fautes qu’ils ont pu commettre. Et c’était Joseph, qui n’avait jamais été coupable envers eux, qu’ils voulaient faire périr, « lui, dont l’âge tendre, disait-il, réclame plutôt la pitié et toute notre sollicitude ! » Quant au motif du meurtre, il aggravait encore l’odieux de leur forfait, si c’était par jalousie pour sa fortune future qu’ils avaient résolu de lui ôter la vie, alors qu’ils pouvaient en avoir chacun une part égale et en jouir en commun, n’étant pas pour lui des étrangers, mais des parents ; ils pouvaient considérer comme leur bien tout ce que Dieu donnait à Joseph et ils devaient donc penser que la colère céleste n’en deviendrait que plus terrible, si, en tuant celui-là même que Dieu jugeait digne de ces bienfaits tant souhaités, ils ravissaient à Dieu l’objet de ses faveurs.

2. Roubel, par ces paroles et beaucoup d’autres encore, les suppliait et tentait de les détourner du fratricide ; mais, comme il voyait que ses paroles, bien loin de modérer leur passion, ne faisaient que les exciter au meurtre, il leur conseilla d’adoucir au moins l’horreur de leur acte par le choix du moyen. Il eût mieux valu, leur disait-il, suivre ses premiers conseils, mais puisqu’ils avaient décidé d’immoler leur frère, ils seraient moins criminels