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voir le soleil, accompagné de la lune et des autres astres, descendre sur la terre et se prosterner devant lui. Cette vision, il la révéla à son père en présence de ses frères, sans soupçonner aucune méchanceté de leur part, et lui demanda de lui expliquer ce qu’elle voulait dire. Jacob se réjouit de ce songe ; il réfléchit aux prédictions qu’il enfermait[1], dans sa sagesse en devina heureusement le sens, prit plaisir aux grandes choses qu’il annonçait, à savoir la prospérité de son fils et la venue d’un temps voulu par Dieu où il deviendrait digne des hommages et de la vénération de ses parents et de ses frères ; la lune et le soleil, c’étaient sa mère et son père, celle-là faisant tout croître et se développer, celui-ci donnant aux objets leur forme et leur imprimant toutes les autres énergies ; les autres astres désignaient ses frères : ils étaient, en effet, au nombre de onze comme les astres[2], empruntant, comme eux, leur force au soleil et à la lune.

4. Jacob avait montré beaucoup de sagacité dans l’interprétation de cette vision ; quant aux frères de Joseph, ces prédictions les chagrinèrent fort ; à leurs sentiments, on eût dit que c’était un étranger qui allait profiter des bienfaits annoncés par les songes et non pas un frère ; c’étaient cependant des biens dont il était naturel qu’ils partageassent la jouissance, puisqu’ils allaient être unis à la fois par les liens de la naissance et de la prospérité. Ils méditent de faire périr le jeune homme’et, ayant arrêté ce projet, comme les travaux de la récolte étaient terminés, ils se dirigent vers Sikima[3] (Sichem), pays excellent pour ses pâturages et pour l’élève du bé-

  1. Gen., XXXVII, 11. La Bible dit que Jacob se fâcha contre lui, mais qu’il « observa la chose ». Dans Gen. R., LXXXIV, ces mots sont interprétés par les rabbins d’une façon analogue à celle de Josèphe : « R. Hiyya Rabba, ou plutôt bar Abba, Amora palestinien de la fin du IIIe siècle après J.-C.. dit : l’Esprit saint disait (à Jacob) : Observe ces paroles, car elles doivent se réaliser un jour. » Cf. Philon, De Josepho, 2, M., II, p. 42 : … τὸν πατέρα, θαυμάσαντα τὸ γεγονὸς, ἐναποθέσθαι τῇ διανοίᾳ ταμιεύοντα καὶ σκοπούμενον τὸ ἐσόμενον « son père, étonné de la chose, la garda en mémoire, réservant et considérant l’avenir ».
  2. La Bible (Gen., XXXVII, 9) ne dit pas les onze astres, mais onze astres. Josèphe a cru sans doute voir ici une allusion aux douze signes du zodiaque, explication donnée d’ailleurs par Philon (De somniis, II, 16, p. 673, Mangey) [T. R.].
  3. Héb : Sékhem. LXX : Συχέμ