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jaloux des félicités qu’il leur croyait promises[1], s’ils se conformaient aux prescriptions de Dieu, et, espérant qu’ils tomberaient dans le malheur en désobéissant, il engage perfidement la femme à goûter de la plante de l’entendement ; « on y trouve, disait-il, le moyen de discerner le bien et le mal » ; dès qu’ils le posséderaient, ils mèneraient une vie bienheureuse qui ne le céderait en rien à la vie divine. Il ébranle par ses mensonges la femme au point de lui faire négliger la recommandation de Dieu ; elle goûta de la plante, en apprécia la saveur et persuada à Adam d’en manger aussi. Alors ils se rendirent compte qu’ils étaient nus et que leur sexe était à découvert, et ils songèrent à se couvrir ; la plante, en effet, aiguisait l’intelligence. Aussi se couvrirent-ils de feuilles de figuier, et, après s’en être fait une ceinture, ils crurent leur félicité plus grande puisqu’ils avaient trouvé ce qui leur manquait auparavant. Mais, comme Dieu entrait dans le jardin, Adam, qui jusqu’alors venait souvent converser avec lui, eut conscience de sa faute et se déroba. Dieu trouva son attitude étrange et lui demanda pourquoi, tandis que naguère il se plaisait à converser avec lui, il fuyait maintenant l’entretien et se détournait. Comme Adam ne disait mot, se sentant coupable d’avoir contrevenu à l’ordre divin, Dieu lui dit : « J’avais décidé que vous mèneriez une vie heureuse, à l’abri de tout mal, sans qu’aucun souci vous torturât l’âme ; tout ce qui contribue à la jouissance et au plaisir devait s’offrir spontanément à vous, de par une providence, sans labeur, sans souffrances pour vous ; avec ces avantages, la vieillesse ne vous aurait pas atteints rapidement, et une longue vie eût été votre partage. Mais voici que tu as outragé mon dessein en méprisant mes ordres ; ce n’est pas par vertu que tu gardes le silence, c’est parce que ta conscience est troublée ». Adam cherchait à se disculper et priait Dieu de ne pas s’irriter contre lui ; il rejetait

  1. Dans le Talmud, Sanhédrin, 59 b, Juda ben Têma (Tanna du IIe siècle) dit : les anges se tenaient devant Adam, lui cuisaient sa viande, etc. Le serpent s’en montra jaloux. Un autre Tanna de la même époque, Josué ben Korha, dit (Gen. R., XVIII) : le serpent avait vu Adam et Ève s’unir et avait désiré celle-ci. D’après la Tosefta, Sôta, IV, p. 301, le serpent voulait tuer Adam pour épouser la femme.