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les Égyptiens ne se doutaient pas que le chemin où ils pénétraient était réservé aux Hébreux et nullement public et qu’il était fait pour sauver les fuyards en danger et non à l’usage de ceux qui s’acharnaient à leur perte. Aussi, quand toute l’armée des Égyptiens s’est engagée, la mer se replie sur eux ; de toutes parts, elle surprend les Égyptiens de ses flots impétueux, que déchaînent les vents ; des pluies descendent du ciel ; le tonnerre éclate en coups secs accompagnés d’éclairs, et la foudre tombe[1]. En un mot, aucune de ces catastrophes mortelles dont la colère de Dieu frappe les hommes ne manqua de se produire alors. Une nuit sombre et noire les enveloppa. Ils périrent ainsi tous, sans qu’il en restât un seul pour retourner annoncer le désastre à ceux qu’on avait laissés en Égypte.

4. Quant aux Hébreux, ils ne pouvaient contenir leur joie devant ce salut inespéré et la destruction de leurs ennemis ; ils songeaient à la certitude qu’ils avaient d’être libres, puisque les tyrans qui voulaient les asservir avaient péri, et à la façon manifeste dont Dieu les avait secourus. Et après avoir ainsi échappé au danger et vu leurs ennemis châtiés comme on ne souvient pas que d’autres hommes l’aient été auparavant, ils passent toute la nuit en chants et en réjouissances ; Moïse, lui, compose en rythme hexamètre[2] un chant en l’honneur de Dieu, rempli de louanges et d’actions de grâce pour ses faveurs.

5. Quant à moi, tout ce que j’ai raconté, je l’ai trouvé tel quel dans les livres saints. Que personne ne juge étrange et contraire à la raison le fait que des anciens, exempts de tout vice, aient pu être sauvés en passant à travers la mer, soit par la volonté divine, soit par l’effet du hasard[3], alors que les soldats d’Alexandre, roi

  1. L’Exode ne fait intervenir aucun phénomène céleste, mais cf. Psaumes, LXXVII, 17 suiv.
  2. Le cantique qui remplit le chapitre XV de l’Exode. L’attribution à Moïse d’une composition en hexamètres est assez plaisante ; il n’y a rien dans la poésie hébraïque de nettement comparable à la métrique grecque classique.
  3. Josèphe a sans cesse la préoccupation d’atténuer, autant que possible, le merveilleux de l’histoire qu’il raconte ; il a peur de choquer la raison de ses lecteurs romains et grecs : de là le souci de trouver des faits analogues dans