Page:OC Flavius Josephe, trad. dir. Theodore Reinach, tome 1.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peine les Israélites, et ceux-ci à paraître toujours au-dessus de leur tâche.

2. Pendant que leurs affaires en étaient là, un événement se produisit qui eut pour effet d’exciter davantage les Égyptiens à faire périr notre race. Un des hiérogrammates[1] — ces gens sont fort habiles à prédire exactement l’avenir — annonce au roi qu’il naîtra quelqu’un[2] en ce temps chez les Israélites, lequel abaissera la suprématie des Égyptiens, relèvera les Israélites, une fois parvenu à l’âge d’homme, surpassera tout le monde en vertu et s’acquerra une renommée éternelle. Le roi, effrayé, sur l’avis de ce personnage, ordonne de détruire tous les enfants mâles qui naîtraient chez les Israélites, on les précipitant dans le fleuve, et recommande aux sages-femmes des Égyptiens d’observer les douleurs de l’enfantement chez les femmes des Hébreux et de surveiller leurs accouchements. Il voulait, en effet, qu’elles fussent délivrées par des femmes qui, en qualité de compatriotes du roi, ne seraient pas tentées d’enfreindre sa volonté[3] ; ceux qui cependant dédaigneraient cet ordre, et oseraient sauver clandestinement leur progéniture, il enjoignait qu’on les fît périr avec elle. C’était un terrible malheur qui les menaçait ; non seulement ils étaient privés de leurs enfants, non seulement ces parents devaient prêter la main au meurtre de leurs rejetons, mais, de plus, la pensée que leur race allait s’éteindre par la disparition de ceux qui naîtraient et par leur propre fin leur présentait une image sinistre et désespérée. Ils étaient donc plongés dans cette affliction ; mais nul ne peut l’emporter sur la volonté divine, quelques ruses infinies qu’il emploie ; car cet enfant même qu’avait prédit le hiérogram-

  1. Nom des prêtres égyptiens qui interprétaient les Écritures.
  2. On trouve des légendes analogues dans Sanhédrin, 101 b. Rab Hama bar Hanina (Amora palestinien du IIIe siècle) dit que les mots « Ce sont là les eaux de Mériba » (Nombr., XX, 13) font allusion à la prédiction des astrologues égyptiens ; ceux-ci avaient annoncé que le sauveur des Hébreux devait périr par l’eau ; c’est pourquoi ils donnèrent à Pharaon l’avis de faire jeter les nouveau-nés dans le Nil ; ils ne savaient pas que l’eau dont il s’agissait était l’eau du rocher de Mériba.
  3. Josèphe corrige la Bible, d’après laquelle cet ordre est donné à des sages-femmes israélites (Exode, I, 15-21).