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enchaîné, lui qui savait le motif de sa disgrâce et la vérité ; il connut bientôt en effet les marques de la Providence divine. Le geôlier, considérant de quelle diligence et de quelle fidélité il faisait preuve dans les emplois où il l’avait commis, touché aussi de la dignité de ses traits, lui ôte ses chaînes et lui rend son infortune plus tolérable et plus légère ; il lui accorde un traitement plus doux que celui des prisonniers. Ceux qui étaient réunis dans la même prison, à chaque relâche de leurs pénibles travaux, se mettaient à converser, ainsi qu’il arrive entre compagnons d’infortune, et se demandaient réciproquement les motifs de leurs condamnations. L’échanson du roi, d’ailleurs très estimé de lui, et qu’il avait fait mettre aux fers dans un moment de colère, portait les mêmes entraves que Joseph et se lia d’autant plus intimement avec lui ; comme il lui parut d’une intelligence extraordinaire, il lui raconta un songe qu’il avait eu et le pria de lui en indiquer le sens, se plaignant qu’outre le chagrin de sa disgrâce, la divinité l’accablât encore de songes troublants.

2. Il dit qu’il avait vu pendant son sommeil trois ceps de vigne, dont chacun soutenait une grappe de raisins ; ces raisins étaient déjà grands et mûrs pour la vendange ; lui-même les pressait dans une coupe que tenait le roi ; et, après avoir fait couler goutte à goutte le moût, il le donnait à boire au roi, qui l’acceptait de bonne grâce. Telle était sa vision et il désirait que Joseph, si quelque perspicacité lui avait été départie, lui indiquât ce que cette vision présageait. Celui-ci l’invite à avoir bon courage et à attendre dans trois jours son élargissement, car le roi avait réclamé son ministère et le rétablirait dans ses fonctions. Il lui expliquait que le fruit de la vigne était un bien que Dieu procurait aux hommes ; car il est offert à Dieu en libation et il sert aux hommes de gage de confiance et d’amitié, il défait les haines et délivre des souffrances et des chagrins ceux qui le portent à leur bouche et les induit au plaisir : « Ce jus, me dis-tu, provenant de trois grappes que tu as exprimées de tes mains, le roi l’a accepté : eh bien ! c’est là pour toi une agréable vision ; elle t’annonce la délivrance de ta présente captivité dans autant de jours que tu vendangeas de ceps