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sentiments qu’à une aventure de passion éphémère ; celle-ci amènerait le remords, qui la ferait souffrir de sa faute sans la réparer, sans compter la crainte d’être prise sur le fait…[1] ; tandis que la vie commune avec son mari comportait des jouissances sans danger. Il ajoutait l’avantage d’une conscience pure devant Dieu et devant les hommes ; elle aurait plus d’autorité sur lui, si elle demeurait honnête et elle userait envers lui de ses droits de maîtresse, mais non pas s’ils avaient manqué ensemble à la chasteté : il valait bien mieux puiser sa hardiesse dans la notoriété d’une vie bien vécue que dans la dissimulation du crime.

5[2]. Par ces paroles et bien d’autres analogues, il s’efforçait de contenir l’élan de cette femme et de ramener sa passion à la raison ; mais elle ne mit que plus de violence dans son ardeur et, portant les mains sur lui, désespérant de le persuader, elle prétendait lui faire violence. Joseph, irrité, s’échappe en lui abandonnant son manteau, qu’elle avait saisi et qu’il lui laissa pour se précipiter hors de la chambre ; alors elle craignit fort qu’il n’allât parler à son mari et, blessée au vif de l’outrage, résolut de prendre les devants et d’accuser faussement Joseph auprès de Pétéphrès ; elle pensa qu’en le punissant ainsi de l’avoir si cruellement dédaignée et en l’accusant d’avance, elle agirait tout ensemble en personne avisée et en femme. Elle s’assit alors, les yeux baissés de honte et toute bouleversée, me disant dans sa colère de faire attribuer à une tentative de viol le chagrin que lui causait en réalité l’échec de sa passion. Quand son mari arriva et, troublé de la voir ainsi, lui en demanda la raison, elle commença à accuser Joseph : « Il faut que tu meures, dit-elle, Ô mon époux, ou que tu châties cet esclave scélérat, qui a voulu déshonorer ta couche ; il n’a su rester sage, en se souvenant de ce qu’il était quand il est arrivé dans notre demeure et des bienfaits qu’il a reçus de ta bonté. Lui, qui serait un ingrat de ne pas se conduire d’une façon irréprochable avec nous, il a formé le dessein d’insulter à tes droits d’époux et cela

  1. Le texte est ici corrompu. Les mots grecs ἀλλὰ χάριν… κακοῦ paraissent être une glose marginale sur la fin du paragraphe [T. R.]
  2. Gen. XXXIX, 12.