déjà, à cette époque où sa situation n’offrait pas les aspects douloureux qu’elle présente aujourd’hui écrasée qu’elle est sous un impôt qui la mine tranquillement, son sort n’avait rien d’enviable. Et l’on se demande dans quelle mesure le prolétaire peut réellement s’épanouir dans notre société capitaliste que l’absence de cœur rend inhumaine, comment il lui est possible de vivre une vie qui soit autre chose qu’une continuelle servitude, une vie à laquelle l’esprit peut avoir sa part.
L’analogie entre la famille Lacasse et la famille Malo ne vient pas d’une imitation de Gabrielle Roy par Viau, mais de ce que l’un et l’autre furent frappés par un problème identique ; l’un et l’autre, même si le portrait de Rose-Anna Lacasse est plus pathétique que celui d’Aurélie Malo, ont réussi à mettre en évidence le dévouement inaltérable des femmes du peuple pour leur nichée, l’espèce de miracle qu’elles réalisent pour l’élever en dépit de tout ; il faut vraiment que notre peuple ait le catholicisme chevillé à l’âme, qu’il en ait été imprégné jusqu’à la moelle, jusqu’au tréfonds de l’être pour ne pas sombrer dans le désespoir et accepter sans murmures la soumission à l’autorité que prêche un État vorace qui, à chaque génération, lui demande, pour ses guerres, les fils qu’il a élevés malgré lui, malgré ses im-