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ROMANS DE MOEURS ET ROMANS SOCIAUX

personnalité. Faute d’idéal, d’un idéal que ne peut satisfaire la seule existence de deux partis identiques, c’est l’intérêt qui guide la politique et nos grands hommes sont des hommes politiques ou des hommes d’Église. C’est ce qu’ont vu Lemelin, Thériault, Savary, tout comme ils ont souligné l’extrême matérialisme de notre formule de catholicisme où le conformisme étouffe trop souvent la spiritualité.

Dans « Les Demi-Civilisés », Jean-Charles Harvey s’est attaqué à un problème qu’il a été le seul à traiter jusqu’ici dans le roman : celui de la liberté ou, plus exactement, le problème de l’homme ou des hommes qui veulent manifester librement leur liberté dans une société statique et conventionnelle. C’est d’ailleurs sous cet aspect que se présente notre problème de la liberté. Harvey voudrait que la liberté cesse d’être subjective, que le Canadien français affirme sa liberté sans passer pour un phénomène, un original, pour tout dire, un révolté. Il revendique son droit à l’expression de sa liberté, même au risque de troubler la quiétude d’un monde qui ne souffre pas de sa privation, précisément parce qu’il ne la connaît pas et ne paraît pas vouloir la connaître. Il ne veut pas imposer sa liberté à lui ; il respecte même ce refus de liberté dans lequel se complaisent