Page:O'Leary - Le roman canadien-français, 1954.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
ROMANS DE MŒURS ET ROMANS SOCIAUX

crible, il atteigne parfois des effets diamétralement opposés à ceux qu’il cherche ; les révoltes intimes, celles qui se manifestent encore en vase clos, sont dirigées bien plus contre lui que contre les autorités politiques.

Cet état de choses provient peut-être aussi de la déviation du sens de la liberté ; le concept de liberté, chez nous, a été rétréci au concept britannique, où la tolérance envers les groupes non anglais a pris abusivement le nom de liberté. Dans le monde britannique, en effet, on ne parle que de « liberté britannique » alors qu’ailleurs, on parle de liberté tout court. Une liberté qui se nationalise n’est-ce pas une liberté qui déjà se limite ? Nos libéraux eux-mêmes, loin de se revendiquer de la Révolution française, s’en déclarent les adversaires et font chorus avec ceux qui la dénoncent. Ce n’est pas que je veuille exalter outre mesure la Révolution française, mais les libéraux devraient tout de même être les derniers à la vilipender. Cette attitude est pour le moins étonnante, sinon paradoxale. Il est vrai que nous n’en sommes pas à un paradoxe près.

On aurait pu penser que, tout au contraire, la formule britannique des deux partis aurait mis de l’ordre chez les Canadiens français ; elle en a mis, mais aux dépens du développement d’une