surgissait un groupe qui, dans ses débuts du moins, allait se battre pour l’art. C’était plus que la pléiade de 1860 ; ils étaient des jeunes, poètes en grande majorité, qui s’imposaient la tâche de régénérer notre français en passe de devenir une langue incompréhensible dans la bouche de certains politiciens et dans les colonnes de certains journaux. Ils se défendaient de subir des influences françaises ; mais on y sentait l’ascendant des parnassiens, des symbolistes, voire des naturalistes. Il était clair qu’ils avaient lu et relu Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, peut-être aussi Moréas et Mallarmé. Jean Charbonneau, l’un des fondateurs de cette « École littéraire de Montréal », lui a consacré un livre. Il y raconte ses origines, sa croissance, ses ambitions, ses moyens d’action ; il décrit une des soirées du groupe — tenue pendant un certain temps au Château de Ramezay, rue Notre-Dame — au cours de laquelle ils pourfendaient les vieilles barbes, se moquaient de Fréchette en même temps que d’Hugo et proclamaient leur foi en la théorie de l’art pour l’art. Et tout cela avec enthousiasme et ardeur, sans peur de fouler aux pieds les faux dieux en train d’établir leur férule sur nos lettres.
Nelligan est sorti de l’École littéraire de Montréal. C’est là que notre premier grand poète se révéla tout d’un coup ; lorsqu’il lut ses premiers