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LE ROMAN DE L'HOMME

elle pu corriger son conditionnel : « Si Dieu existe ? » Car l’enfance de Marcel fut nourrie de Dieu : son journal le révèle ; mais ce fut une nourriture qui ne convenait pas à son tempérament, puisque ce mot : « Dieu » lui « revient du fond de ces églises sonores qui s’éclairent dans sa mémoire ». Il n’en a eu que l’écho. Il clamera tout son désespoir quand il s’écrira : « Que peuvent bien me faire le ciel et l’enfer quand j’ai connu la douleur humaine, quand je me souviens de rares moments de joie humaine ». Cette incertitude sur Dieu ne le fait cependant pas conclure au néant : « Non, c’est trop amer ! Il ne faut pas croire au néant, même si c’est la vérité ».

Marcel pense trouver dans un sentiment trouble, qu’il ose à peine appeler l’amour, pour sa belle-sœur Louise, jeune fille refoulée qui répond à son appel muet avec la frénésie de l’être qui comprend qu’elle court sa dernière chance. Mais elle se cabre après le don de son corps : elle en éprouve un immense dégoût et le crie à cet être extra-sensible ; c’est ce cri qui jette Marcel sous les roues du tramway avec la pensée intime qu’il a épuisé tous les ressorts, toutes les possibilités de mettre du bonheur dans sa vie. Bernard résumera le drame quand il dira : « La vie est terrible et Marcel ne savait pas se défendre ». Marcel était