Page:O'Leary - Le roman canadien-français, 1954.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
LE ROMAN DE L'HOMME

Brunet y analyse, y dissèque l’homme avec franchise et une conscience lucide ; tout en évoquant les personnages dostoïevskiens, dont il se rapproche beaucoup plus que ceux de Sartre, par exemple, Philippe appartient essentiellement à Brunet. Il évoque son cas de conscience avec une vérité digne des maîtres du roman ; le ton bien personnel de Brunet n’a d’égal que l’originalité avec laquelle il traite son sujet. Il est l’un de nos écrivains doté de la plus forte personnalité et n’eut été son indiscipline organique, qui fut hélas le grand obstacle au plein épanouissement de son talent, il aurait pu figurer parmi les plus grands romanciers contemporains.

Une romancière, Françoise Loranger, parmi les premières elle aussi, s’attaqua au problème intérieur de l’homme avec « Mathieu ». Comme Philippe, Mathieu traîne une lourde hérédité qu’une éducation dans une atmosphère viciée n’était pas de nature à alléger. Après son père, sa mère explique Mathieu : Lucienne Normand n’a pas su accuser le coup que lui a porté le destin. D’un égoïsme monstrueux — l’égoïsme est toujours plus terrible quand il se manifeste chez la femme — elle n’a pas compris ou n’a pas su comprendre son fils ; elle s’est plu davantage à cultiver, avec amour, une haine froide et farouche