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AVANT-PROPOS

lette plutôt qu’un personnage vivant, un personnage bien en chair. Grignon a pastiché sans art. Toute son œuvre, d’ailleurs, est une œuvre d’« À la manière de… » : à la manière de Bloy, à la manière de Léon Daudet (voir « Les Pamphlets » ). La seule caractéristique de cet esprit brouillon réside dans les éclats de sa voix tonitruante, dans ses grognements, qui ne cachent, au fond, qu’un immense vide, le vide du tambour : ils ne parviennent même pas à masquer sa pseudo-culture, faite, surtout, de réminiscences de lectures mal assimilées. Il a pu intimider, jadis, une génération de moins de vingt ans, lui en imposer même ; mais le recul nous laisse souriant, tout comme lorsque nous nous rappelons les histoires de croquemitaines de notre enfance.

Je ne parle pas, parce que ce ne sont pas des romanciers, d’Anne Hébert et d’Alain Grandbois ; l’un et l’autre sont surtout des poètes. Il reste, cependant, qu’Anne Hébert, avec « Le Torrent » et Grandbois avec « Avant le chaos », ont révélé de très belles qualités de prosateur. « Avant le chaos » est digne des meilleurs recueils de nouvelles et je ne connais pas d’écrivain français qui ait, en la matière, dépassé Grandbois. Quant à Robert Choquette, je ne pense pas qu’on puisse le revendiquer comme un romancier ; il fut et il est avant tout un